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    Les cheveux blancs

     

     Les cheveux blancs

    Les cheveux blancs  

    Enfant, tes jours sont gais, les miens sont monotones.

    En deux saisons pour nous se partage le temps ;

    L'année a beau changer, je n'ai que des automnes,

    Toi seule as des printemps.

    Les cheveux blancs

    Tout de mon cœur se ferme et du tien tout s'épanche.

    S'il te faut des bonheurs que Dieu prenne les miens ;

    Je ne me plaindrai pas de ceux qu'il me retranche

    S'il les ajoute aux tiens.

    Les cheveux blancs  

    Il m'enlève un sourire, il t'apporte une grâce.

    L'air qui te rafraîchit me donne des frissons ;

    Tu vas avoir neuf ans ; oh ! comme le temps passe,

    Et comme nous passons !

    Les cheveux blancs  

    Ton âge te rend fier et le mien me fait honte :

    Les ans pour moi sont lourds, ils ne te pèsent rien,

    De peur d'en perdre un seul à ton âge on les compte ;

    On les oublie au mien.

    Les cheveux blancs  

    L'astre de l'enfant dort au milieu de l'espace,

    L'astre de l'homme vole ainsi qu'un tourbillon ;

    Heureux si dans l'azur il laisse, quand il passe,

    Un lumineux sillon !

     

    On naît jeune, par tous cette mode est suivie ;

    Avec ses doux printemps on fait des envieux ;

    Il semble qu'à rebours j'ai commencé la vie

    Et que je suis né vieux.

     Les cheveux blancs

    Je suis tout gris, hélas ! mais sans que mon front penche.

    J'étais, presque à trente ans, le vieillard que tu vois,

    Et je n'avais de jeune, avec ma tête blanche,

    Que l'esprit, que la voix.

    Les cheveux blancs  

    Lorsqu'on ne trouve en soi rien de sec, rien d'aride,

    On se croit jeune encor, de front comme de cœur,

    Jusqu'au jour où le temps vient, au fond d'une ride,

    Poser son doigt moqueur.

    Les cheveux blancs  

    Ton sourire est charmant de candeur et de grâce.

    Je fais, pour l'imiter, des efforts superflus ;

    N'est-ce pas que le mien est comme une grimace,

    Une ride de plus ?

    Les cheveux blancs  

    Quand pour toi chaque instant fait fleurir toutes choses,

    De mes jours sans parfums que ton âme ait pitié,

    Mais ne me jette pas ainsi toutes tes roses ;

    C'est trop de la moitié.

    Les cheveux blancs  

    Garde-moi,  c'est assez pour une vie amère, 

    La dîme des bonheurs qu'on goûte auprès de toi :

    Quand tu voudras donner dix baisers à ta mère,

    Que l'un d'eux soit pour moi !

    Les cheveux blancs  

    Delphis de La Cour. ( 1867 )

     

     

     

     

     

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    Nerfs

    Non ! Ne t'enfuis pas !

    Ce geste ! de te repousser de moi,

    cette rigueur, cette voix,

    ce mot brutal - reste ! reste !

    ne s'adressaient pas à toi.

    Je ne gronde et vitupère

    que contre mon propre ennui.

    C'est sur toi qu'en mots sévères

    se délivrent mes colères,

    mais c'est moi que je poursuis.

    T'en vouloir? De quoi ? Je pense

    à ton cœur sans récompense.

    Je le voudrais rendre heureux.

    C'est de mon insuffisance,

    pauvrette, que je t'en veux.

    Ris-toi donc du méchant geste

    et pardonne aux mots mauvais.

    En toi ce que je déteste...

     

    Paul Géraldy (1885-1983)

     

     

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    Méditation 

    On aime d’abord par hasard

    Par jeu, par curiosité

    Pour avoir dans un regard

    Lu des possibilités

     

    Et puis comme au fond de soi-même

    On s’aime beaucoup

    Si quelqu’un vous aime, on l’aime

    Par conformité de goût

     

    On se rend grâce, on s’invite

    À partager ses moindres mots

    On prend l’habitude vite

    D'échanger de petits mots

     

    Quand on a longtemps dit les mêmes

    On les redit sans y penser

    Et alors, mon Dieu, on aime

    Parce qu’on a commencé

     

    Paul Géraldy (1885-1983) 

     

     

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    Âmes, Modes

     

    Tu ne serais pas une femme

    si tu ne savais pas si bien

    te faire et te refaire une âme,

    une âme neuve avec un rien.

    À ce jeu ta science est telle

    que, chaque fois que je te vois

    tu fais semblant d’être nouvelle,

    Et j’y suis pris toutes les fois.

     

    Paul Géraldy ( 1885-1983 )

     

     

     

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    Absence 

    Ce n'est pas dans le moment

    où tu pars que tu me quittes.

    Laisse-moi, va, ma petite,

    il est tard, sauve-toi vite !

    Plus encor que tes visites

    j'aime leurs prolongements.

    Tu m'es plus présente, absente.

    Tu me parles. Je te vois.

    Moins proche, plus attachante,

    moins vivante, plus touchante,

    tu me hantes, tu m'enchantes !

    Je n'ai plus besoin de toi.

    Mais déjà pâle, irréelle,

    trouble, hésitante, infidèle,

    tu te dissous dans le temps.

    Insaisissable, rebelle,

    tu m'échappes, je t'appelle.

    Tu me manques, je t'attends !

     

    Paul Géraldy (1885-1983)

     

     

     

     

     

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